Le soja, ce chouchou de nos rayons bios et des discours pro-végan, n’en finit plus de déchaîner les passions. Mais que sait-on vraiment de sa véritable empreinte écologique et de ses effets sur la santé ? Attention, le mythe s’effrite sérieusement sous les coups de pelle des chercheurs…
Petite graine, grande consommation : le soja, star des champs (et des assiettes… indirectement)
- Non, rassurez-vous, l’humanité ne s’est pas convertie en bloc au tofu nature matin, midi et soir ! Si notre consommation de soja a explosé ces dernières décennies, c’est bien parce que plus des trois quarts de la production mondiale est destinée à nourrir les animaux d’élevage : bœufs, poulets et même poissons en raffolent.
- Résultat concret : pour satisfaire notre appétit grandissant en viande, œufs ou poisson, la surface consacrée à la culture du soja a purement et simplement doublé entre 2000 et 2020.
Mais qui dit expansion rapide, dit inévitablement questions cruciales. Et la plus brûlante du moment concerne l’environnement. Croyait-on tenir une culture « verte » avec les légumineuses ? Il va falloir revoir quelques certitudes.
Soja et impact écologique : le protoxyde d’azote, invité surprise
Jusqu’ici, la rengaine était rassurante : les cultures de soja, peu gourmandes en engrais azotés, seraient sages côté émissions de protoxyde d’azote (N2O), gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le CO2 (et accessoirement champion de la destruction de la couche d’ozone). Las ! Des chercheurs de l’université d’État de l’Iowa viennent de briser ce joli tableau – ambiance couac à la ferme.
- Car si l’on regarde les rotations classiques maïs-soja, 40% des émissions annuelles de N2O tombent pendant l’année… soja, là où aucun engrais n’est appliqué.
- Pourquoi ? Parce que la production de ce gaz n’a pas besoin de notre aide : les processus naturels du sol, en particulier la décomposition de la matière organique par des microbes, génèrent ces émissions, surtout quand on laisse les sols nus au printemps, période de forte activité microbienne boostée par chaleur et humidité.
- Et les Nations Unies préviennent déjà : sans réduction drastique du N2O, nos ambitions de freiner le réchauffement ont du plomb dans l’aile.
Néanmoins, tout n’est pas perdu. Des pistes s’ouvrent :
- Semis de culture de couverture hivernale (avoine, seigle) après le maïs : sol toujours couvert, microbestes en paix, moins de gaz.
- Variété de soja à croissance prolongée et semis plus précoce : les chercheurs estiment que cette double stratégie peut réduire d’un tiers les émissions annuelles… et augmenter le rendement de 16% (ceux qui pensaient deux pour le prix d’un n’ont rien inventé).
- Limiter l’usage d’engrais lors de l’année maïs joue aussi en faveur de la qualité des eaux.
Santé : tout n’est pas rose dans le soja
Mais avant d’enchaîner les steaks de soja l’esprit léger, posons la fourchette : les scientifiques préviennent qu’une consommation démesurée de soja risque de poser problème. Parmi les effets désagréables signalés :
- Aggravation possible de certaines hypothyroïdies,
- Risque d’inactivation de traitements médicaux,
- Une étude sur la souris observe que l’huile de soja en très grande quantité chamboule le fonctionnement de l’hypothalamus (régulateur de notre métabolisme, croissance, stress…) et fait chuter le taux d’ocytocine, surnommée « hormone de l’amour » (ça vaut pour la pizza aussi ?).
Soyons clairs : du défrichement au poulet, l’équation demeure complexe
Le vrai coupable, c’est la chaîne globale : le soja n’est pas juste dans votre lait. Sa culture reste parmi les plus grandes causes de déforestation : au Brésil par exemple, principal producteur (notamment OGM), on grignote la forêt amazonienne, parfois aux dépens des populations autochtones expulsées de leurs terres. Bonne nouvelle toutefois : grâce à un moratoire, la part du soja amazonien issu de la déforestation est passée de 30% en 2007 à 1,25% dix ans plus tard, selon Greenpeace. Mais ailleurs en Amérique du Sud, le massacre forestier est loin d’être réglé : plus de 8 millions d’hectares envolés rien que de 2000 à 2015.
Ajoutez à cela :
- L’usage massif de pesticides,
- La pollution des sols et eaux,
- Des trajets interminables du soja jusqu’aux mangeoires ou assiettes, avec le cortège d’émissions de gaz à effet de serre associé,
- Et n’oublions pas : l’élevage animal, gros consommateur de soja et champion de l’empreinte carbone (la viande bovine émet 50 fois plus de gaz à effet de serre que les légumineuses).
Conclusion : Face à ces nouveaux éclairages, le mieux n’est pas de bannir, mais de repenser. Oui, le soja peut avoir sa place… à condition de réfléchir à nos modèles agricoles, nos consommations et aux impacts cachés de nos choix. De la fourche (de champ) à la fourchette : l’équilibre, c’est peut-être ça le plus dur à avaler.












